Notre retour sur expérience

Mortain Loïc

Quand il a fallu choisir sa BRL, j’ai été séduit par la présentation de « L’économie circulaire, c’est maintenant ». Le thème me paraissait important et incontournable, et ce quelque soit le domaine d’activité et le travail vers lequel on veut se diriger.
Ensuite, nous avons rapidement constitué un groupe en partant du constat suivant: si il parait évident qu’une entreprise gagne de l’argent en réutilisant des « déchets » comme matière première, pourquoi cette pratique n’était pas plus étendue dans un monde où le développement durable est un enjeu fondamental ?
Par rapport à d’autres groupes, je dois dire que notre constitution n’a posé aucun problème. Cependant, nous nous sommes rendus compte que nous avions tous une approche un peu différente, des idées différentes pour traiter cette question. Les confronter a été à la fois stimulant et très formateur pour notre avenir, car à la différence des autres projets que nous menons depuis le début de l’année, celui-ci s’est inscrit dans la durée et nous avons pu l’amener au bout.
Je sous-estimais fortement l’importance du travail en groupe, en particulier des « brainstormings » avant de commencer ce projet. Dans la pratique, le nombre de situations que nous avons réussi à débloquer en utilisant cette méthode est très élevé. Travailler à plusieurs, même si cela engendre des soucis pratiques et d’organisations (organisation de réunion, lieus parfois difficile à trouver, faire face à des imprévus et des changements de plan de dernière minute), est réellement un plus pour mener des projets, car j’aurais été incapable de rendre un projet de cette envergure sans mes camarades.
D’un point de vu personnel, ce projet m’a permis de renforcer mes connaissances sur l’écologie industrielle et de mieux en cerner les principaux enjeux. De plus, nous avons eu la chance d’interroger une partie des acteurs de ce secteur dans la région Rhône-Alpes, et de nous constituer ainsi un réseau important.

 

 

Grancher Mathilde

Ce projet en sciences sociales fut très intéressant. Principalement puisque je me sentais concernée par le thème de l’économie circulaire, et que ce cours a été un très bon moyen pour l’approfondir. Notamment sur le plan des connaissances, puisque je n’avais jamais eu l’occasion auparavant de travailler sur le thème de l’écologie industrielle. Ce travail sur plusieurs mois m’a donc permis d’apprendre beaucoup sur ce sujet, non seulement de façon théorique, mais également grâce à la réflexion que le sujet nous a demandé. En effet, cela m’a beaucoup plu d’approfondir au fur et à mesure de nos avancées la réflexion, de devoir trouver par nous-mêmes les axes les plus pertinents pour avancer notre dossier. Ensuite, RECAPSS a été une façon pour moi de prendre contact avec des professionnels de l’environnement, et de recueillir des informations très intéressantes pour le sujet. Or, je n’avais jamais eu l’occasion de poser ce type de questions à des personnes formées sur ce thème, et j’ai pu remarquer que ces échanges étaient agréables car les personnes interviewées sont très collaboratives puisque passionnées. Par ailleurs, le fait de travailler à plusieurs fut instructif, de croiser nos différents regards sur une question. J’ai pu remarquer que nous n’avions pas toujours la même méthode d’approche, et ces complémentarités nous ont permis de compléter d’autant plus notre recherche. Je pense donc que ce travail de groupe pourra me servir dans la suite de mes projets, par la façon d’aborder la communication avec plusieurs personnes qu’on ne connaît pas tout d’abord. Enfin, le thème de l’économie circulaire et plus précisément de l’écologie industrielle m’ayant intéressée tout au long du semestre, je pense maintenant pouvoir orienter plus précisément mes recherches de stage à venir. Cette recherche en sciences sociales fut donc une expérience assez positive, puisqu’elle m’a permis non seulement d’enrichir mes connaissances sur le sujet ; mais aussi de me créer des contacts dans le domaine de l’écologie industrielle et au sein de l’école ; et encore d’affiner mes choix personnels pour mes futurs projets. Je ne regrette donc absolument pas la thématique que nous avons choisie de traiter. Certes au premier abord elle semblait complexe, mais nous avons je pense réussi à la cerner au fur et à mesure, et c’est un autre point positif que je retiens de cette expérience.

 

 

Clou Aurélien

Au-delà du projet, j’ai réellement apprécié la thématique sur laquelle nous avons travaillé. En tant que futurs acteurs d’une économie en perpétuelle transformation, nous nous devons de connaître les ficelles de l’économie circulaire, amenée à être l’une des alternatives les plus crédibles pour réduire notre empreinte écologique. Sa mise en œuvre progressive montre bien qu’elle constitue, plus ou moins, notre avenir. Dès lors, connaître ses principes et quelques exemples est une avance que nous prenons. Une avance qui se révélera peut-être judicieuse dans nos futurs métiers et dans une mondialisation où l’aspect visionnaire est, et sera, gage de réussite. J’ai également trouvé notre sujet, l’écologie industrielle, passionnant : il allie questions écologiques et sociologiques en plus de considérer l’aspect rentabilité sans lequel toute démarche de l’économie circulaire serait difficilement développable. Peu connue, l’écologie industrielle mérite d’être davantage plébiscitée : son impact environnemental est indéniable, les économies qu’elle permet son intéressantes, et elle favorise un climat social d’entente entre les industries, facteur, à mon sens, d’un bien-être au travail. En outre, j’ai également apprécié l’enquête terrain : discuter avec des professionnels maîtrisant le sujet est un réel enrichissement. Enfin, ce fut également un plaisir personnel d’être parvenu à analyser en profondeur un sujet qui, en apparence, semble complexe et technique.

 

 

Lafforgue Léo

Ce projet de RECherches APpliquées en Sciences Sociales (RECAPSS) a commencé par le choix d’une BRL. Je me suis immédiatement et sans hésitation dirigé vers le thème de l’économie circulaire, sans avoir d’idée plus précise, dans le but d’approfondir ma connaissance du monde du développement durable ; et surtout des relations qu’il entretient avec le monde de l’entreprise.

Puis, suite à la formation d’un groupe et à quelques séances d’introduction théoriques, nous nous sommes dirigés vers une problématique autour de l’écologie industrielle. Cela m’a permis de traiter un sujet dont je ne connaissais pas même l’existence, et qui m’a de plus apporté un éclairage nouveau sur les liens que peuvent avoir les univers, a priori contradictoires, de l’économie et de l’écologie.

Ce choix d’un sujet assez complexe, et obscur, s’est finalement révélé être assez gratifiant. En effet, ce projet RECAPSS m’a d’une part apporté le plaisir d’acquérir des connaissances assez pointues dans un domaine nouveau ; et d’autre part de mettre un pied dans un monde de professionnels.

En effet, notre sujet ne pouvait se prêter qu’à des entretiens personnels avec des personnes travaillant dans ce milieu. Cette nouvelle méthode nous a amené à une diversification de nos compétences dans la manière d’acquérir de l’information sur le terrain. En effet, nous avons déjà dû en Marketing par exemple réaliser des questionnaires pour d’éventuels clients, mais ce mode de contact était nouveau. Nous avons donc pu diversifier nos connaissances dans le domaine du rassemblement d’informations.

Par ailleurs, ce projet RECAPSS m’a apporté une réflexion inédite sur le plagiat.  Il est intéressant et nouveau pour moi de devoir dans mon travail faire attention à noter mes sources ; à vérifier que les images ont des droits ; alors que je les aurais utilisées sans aucun scrupule auparavant. Cette nouvelle donnée à prendre en compte donnait l’impression réelle d’un nouveau pas vers le monde professionnel.

Un autre aspect initiatique de RECAPSS concerne le travail en groupe. Ce projet m’a donné l’occasion de travailler assez longuement et durement avec quatre camarades. Cette expérience relativement inédite de travail en groupe a été assez formatrice pour la vie étudiante puis professionnelle, chacun ayant apporté son propre point de vue sur notre thème, et le groupe ayant dû s’organiser efficacement pour diviser le travail.

Pour conclure, je dirais que le projet RECAPSS, en plus de m’avoir apporté des connaissances sur un sujet nouveau, a représenté un pas de nombreuses manières vers la vie professionnelle.

 

Volders Théo

Le projet RECAPSS fut pour ma part une expérience très enrichissante à l’aune de différents critères. Tout d’abord, cela a été l’occasion d’apprendre des compétences inhérentes au monde de l’entreprise, tels que le travail en équipe et la gestion d’un projet. En effet, il s’agissait pour moi de la première expérience dans laquelle j’étais le membre d’une équipe qui a du élaborer un travail, de ses fondements jusqu’à sa conclusion. Je pense sincèrement que cela m’a permis de développer des aptitudes organisationnelles, mais également relationnelles, des enjeux primordiaux dans un contexte d’entreprise. Nous avons dû faire face à certaines difficultés et y répondre en équipe, confronter des points de vues différents et tenter de les concilier dans une même direction en vue d’atteindre un objectif que nous avons lui aussi défini nous-mêmes. J’ai donc apprécié la liberté que l’on a prise dans ce travail, nous obligeant à organiser notre travail avec nos propres moyens. Toujours en termes d’apprentissage empirique, le projet RECAPSS fut l’occasion de mettre à l’œuvre des compétences que nous avons acquises dans d’autres disciplines, telles que la gestion d’un entretien.

Au-delà de la question de l’apprentissage, le projet RECAPSS a été une occasion privilégiée d’explorer un domaine qui m’intéresse et dans lequel j’aimerais travailler, car il me permettrait de concilier mes convictions personnelles avec mon projet professionnel (ce qui est important pour moi). J’ai en effet la conviction qu’il est possible de concilier une activité économique rentable et qui créé de la richesse, avec une meilleur préservation de l’environnement et prise en compte des externalités négatives. Le thème que nous avons choisi a donc été pour moi une occasion de mettre à l’épreuve cette idée. J’ai ainsi été conforté dans ma pensée, car on s’est rendu compte que, grâce à l’écologie industrielle notamment, il est possible de créer de la richesse et de favoriser la croissance tout en intégrant les enjeux environnementaux. Néanmoins, je me suis rendu compte à travers ce travail que cela est loin d’être facile et demande beaucoup de travail ; loin de me démotiver, cela m’incite au contraire à persévérer dans cette voie et me donne l’envie de relever ces défis.

Pour conclure : synthèse générale

Le travail que nous avons mené suivait l’objectif de déterminer la possibilité ou non d’orienter les entreprises vers une plus grande coordination en vue de créer des synergies d’écologie industrielle dans la région Rhône Alpes. Pour ce faire, nous avons déterminé des hypothèses correspondant aux potentiels freins et leviers au développement de synergies d’écologie industrielle en Rhône Alpes, avant de vérifier leur validité à travers différents entretiens.

Ce que l’on peut tout d’abord retenir de notre travail, est le fait que la région Rhône Alpes constitue un ensemble d’entreprises relativement dynamiques qui s’appuient sur des pôles d’excellence et des pôles de recherches. Il est indéniable que cela peut favoriser l’émergence de projets d’écologie industrielle, mais nous avons pu constater que cela est loin d’être une condition suffisante. Par ailleurs, il est apparu que la région Rhône Alpes est l’une des plus avancées en termes d’intervention et de soutien publics. Cela est relativement positif, car l’un des facteurs qui s’est révélé le plus important est justement la présence d’un médiateur public ou parapublic, afin d’animer, de coordonner les relations, mais aussi parfois de participer au financement d’un projet.

La région Rhône Alpes soutient ainsi l’élaboration de réseaux entre les entreprises, qui peuvent donc communiquer plus facilement entre elles, ce qui accroît la confiance et démocratise la relation interentreprises. Néanmoins, il s’avère que la région Rhône Alpes ne dispose pas encore d’un nombre suffisant d’animateurs et de médiateurs afin d’assurer un suivi continu des entreprises, et qu’il n’existe pas encore de réelle politique de formation ou d’acculturation pour que la pratique de l’écologie industrielle se démocratise et sorte du rang d’exception.

De plus, nous avons soulevé un paradoxe, à savoir que les entreprises attendent souvent que les projets soient pris en mains par les pouvoirs publics, mais que la concrétisation d’un projet est bien plus rapide lorsqu’il est lancé et financé par une entreprise. Comment est-il alors possible de répondre à ce paradoxe ?

Enfin, nous avons révélé l’importance de différents freins psychologiques : la réticence face au changement, lorsque le processus de production traditionnel fonctionne, et le manque de confiance à l’égard de projets qui mettent des entreprises en situation d’interdépendance. De même, les entreprises n’agiront que très rarement dans l’objectif principal de réduire leur empreinte écologique, mais bien plus dans l’objectif d’accroître leur rentabilité ; certaines se montrent même réticentes lorsqu’on leur parle en terme d’intérêt général et non pas en termes techniques et économiques.

Il nous reste cependant après cette étude certains éléments d’incertitudes correspondant aux limites de notre travail. En effet, nous aurions aimé avoir le temps et l’opportunité d’approfondir certains points. Tout d’abord, la question d’un médiateur mandaté par une institution publique. Cette proposition est ressortie dans de nombreux entretiens et nous n’avons pas eu l’occasion de creuser en détail la recherche sur toutes les institutions publiques ou privées, pour montrer dans quelle mesure elles pourraient s’adapter pour favoriser le développement des projets d’Ecologie Industrielle et Territoriale en Rhône Alpes.

Ensuite, il aurait aussi pu être utile d’étudier précisément les leviers économiques entrant dans les négociations et dans la mise en place des démarches par les entreprises (bourses, aides de l’Etat, déductions d’impôts éventuelles, …). De manière générale, notre travail souffre d’un manque de référence au monde de l’entreprise. Même si nous avons fait de nombreux efforts et de nombreuses tentatives pour corriger le tir, ceux-ci se sont avérés infructueux, et les entreprises du secteur qui ont mis en place de telles démarches – assez difficiles à trouver – ont témoigné de beaucoup moins d’intérêts que les intellectuels et les médiateurs. Par ailleurs, le fait d’interroger l’ensemble des acteurs d’un projet d’Écologie Industrielle ayant échoué nous aurait peut-être aussi permis de répondre de manière plus précise à nos entretiens, mais là encore, nous ne sommes pas parvenus à trouver des personnes prêtes à nous consacrer du temps dans un laps de temps qui était finalement assez court.
Enfin, nous n’avons pas exploré en détail la question politique, à savoir de la volonté publique d’agir (ce qui rejoint les questions d’incitations à la création de projets, fiscales notamment). Il aurait fallu contacter les réels décideurs dans la fonction publique, mais nous n’avons même pas réussi à les identifier de manière claire.

Pour conclure notre travail, et grâce au constat qu’il nous a permis de dresser, nous pouvons envisager différentes directions possibles afin de favoriser la coordination et les relations interentreprises en Rhône Alpes, en vue d’accroître les projets d’écologie industrielle. Pour pallier différents freins psychologiques, l’accroissement de l’effectif des animateurs, et la prise en charge de ceux-ci par les pouvoirs publics (collectivités territoriales), permettrait certainement d’améliorer la connaissance de l’écologie industrielle des entreprises et de les sensibiliser. L’objectif étant de familiariser les industriels avec le dialogue interentreprises, de les amener à chercher d’autres processus de production et d’autres solutions que celles vers lesquelles ils se dirigent traditionnellement.

De plus, puisque l’écologie industrielle est bien souvent une réponse à un problème rencontré dans le processus de production, ces animateurs pourraient assurer un rôle de « veille » sur le terrain : il s’agit de dialoguer avec les entreprises pour détecter les problèmes qu’elles rencontrent, et de leur proposer ensuite des solutions reposant sur l’écologie industrielle. En ce qui concerne le manque de confiance des entreprises, il serait possible de le réduire en mettant en place, comme au Royaume-Uni, des assurances dites atypiques qui prémunissent contre des risques improbables. Cette assurance, contractée par une entreprise, porterait sur le projet dans lequel elle investit et serait utilisable si celui-ci se conclut par de grandes difficultés pour l’entreprise. Toutefois, il s’agirait de répondre à deux questions : les entreprises seraient-elles prêtes à débourser des fonds supplémentaires pour une assurance, et quelle structure pourrait proposer ce type d’assurance ?

Enfin, pour répondre au paradoxe que nous avons éclairé (à savoir qu’il est compliqué de déterminer le juste milieu entre intervention publique et investissement privé pour qu’un projet réussisse), il est envisageable de mettre en place des partenariats entreprises-collectivités, dans lesquels les collectivités seraient garantes de l’intérêt général, et les entreprises permettraient de dynamiser la concrétisation des projets. Le fait de créer ou renforcer de tels partenariats permettrait de lier les collectivités et les entreprises à travers les mêmes objectifs, tout en apportant un soutien financier et organisationnel aux entreprises.

Synthèse de l’enquête terrain et retour sur hypothèses

Avant de commencer, nous souhaitions revenir sur notre expérience de nos entretiens. En effet, alors qu’au départ, notre objectif était seulement de confirmer ou d’infirmer nos premières impressions et nos premières hypothèses. Si nous avons rempli cet objectif, nos entretiens ont en réalité étaient beaucoup plus utile que cela. En effet, chaque échange, ouvert et constructif, nous a permis de découvrir non seulement des nouveaux points de vu sur le sujet, mais aussi nous a amené de nouvelles idées, de nouvelles pistes à creuser, et de nouvelles personnes à interviewer.
Cet apport nous a agréablement surpris et permis de constamment évoluer sur nos hypothèses, comme nous allons vous le présenter ci-dessous :

  1. Il faut parler aux entreprises (communication) en des termes purement économiques et non pas écologiques, ce qui peut les dissuader.
    HC. Le principal frein au développement de l’EI est la réticence face au changement.
    HD. Les démarches sont bien plus rapides lorsqu’une partie non négligeable de l’investissement est supportée par des acteurs privés. HB. Il faut parler aux entreprises (communication) en des termes purement économiques et non pas écologiques, ce qui peut les dissuader.
    HC. Le principal frein au développement de l’EI est la réticence face au changement.
    HD. Les démarches sont bien plus rapides lorsqu’une partie non négligeable de l’investissement est supportée par des acteurs privés.
  • HB. Il faut parler aux entreprises (communication) en des termes purement économiques et non pas écologiques, ce qui peut les dissuader.
    HC. Le principal frein au développement de l’EI est la réticence face au changement.
    HD. Les démarches sont bien plus rapides lorsqu’une partie non négligeable de l’investissement est supportée par des acteurs privés. HB. Il faut parler aux entreprises (communication) en des termes purement économiques et non pas écologiques, ce qui peut les dissuader. HA. Il faut parler aux entreprises (communication) en des termes purement économiques et non pas écologiques, ce qui peut les dissuader.
  •  HB. Le principal frein au développement de l’EI est la réticence face au changement.
  •  HC. Les démarches sont bien plus rapides lorsqu’une partie non négligeable de l’investissement est supportée par des acteurs privés.
  • HD. L’une des principales barrières à surmonter est la difficulté à établir un climat de confiance entre les entreprises.

 

L’objectif de notre enquête terrain était la mesure des hypothèses que nous avions prédéfinies, ainsi que l’intégration de nouvelles variables inhérentes à notre problématique grâce aux différents entretiens que nous avons menés. C’est donc logiquement que pour conclure cette enquête, nous allons revenir sur chacune des hypothèses et synthétiser les réponses que nous pouvons leur apporter. Nous nous sommes permis de combiner les idées apportées par les différents interlocuteurs ; cela signifie que toutes les idées exposées ci-dessous sont issues des entretiens et non plus de simples suppositions.

 

Hypothèse H1. Toutes les personnes interrogées ont été très clair sur ce point : la présence d’un médiateur externe aux entreprises, public ou parapublic, est indispensable afin de permettre le développement de projets en Rhône Alpes. Nous pouvons expliquer ce constat sans appel de différentes manières. Premièrement, nous avons pu comprendre que les entreprises prennent rarement l’initiative de dialoguer entre elles, c’est pourquoi l’impulsion d’un médiateur externe est nécessaire afin de créer le dialogue et des relations. Le médiateur externe assure alors le rôle d’animateur, en organisant des rencontres, des ateliers, des formations, qui permettent une réelle mise en contact des acteurs et l’établissement d’un climat sein, fondé sur l’écoute, ce qui est indispensable. Dans ce cadre-ci, le rôle de médiateur peut être joué par des organisations qui dépendent directement des collectivités territoriales, ou bien par des associations telles que l’AIRM. Dans la même logique, l’intervenant public ou parapublic se positionne comme le garant de l’intérêt général qui est primordial dans une logique d’écologie industrielle et territoriale. Par ailleurs, la région Rhône Alpes se rapprochent du modèle du « top down » que Suren Erkman nous a introduit et expliqué : les différents acteurs économiques n’ont que peu le réflexe de lancer des initiatives de ce type par eux-mêmes, et attendent bien plus que ce soit les pouvoirs publics qui prennent cela en charge. Enfin, l’intervention publique est perçue comme nécessaire par les entreprises elles-mêmes dans le financement des projets ; il est nécessaire que les investissements soient soutenus en partie par les pouvoirs publics.

 

Hypothèses H2 & H3 (il est apparu au cours de la recherche que ces deux hypothèses peuvent être combinées à travers une seule). L’existence d’un large tissu industriel sur un territoire avant le lancement d’une démarche d’écologie industrielle, avec certaines relations interentreprises, ne s’est finalement pas révélée être déterminante dans la réussite d’un projet. En effet, l’élaboration la plus logique de synergies entre différentes entreprises résulterait le plus souvent de l’incrémentation de différentes entreprises et process au sein d’un petit noyau d’entreprises (et non pas d’un ensemble élargie d’entreprises déjà proches les unes des autres). En revanche, on constate que les démarches d’écologies industrielles entreprises en Rhône Alpes aboutissent à la constitution d’un réseau entre les entreprises, ce qui favorise évidemment le dialogue et la coopération entre elle ; mais ces réseaux se créent au cours des projets et sont avant inexistants.

 

Hypothèse H4. La mise en place de contrats strictement formalisés n’est pas une condition suffisante pour épauler la mise en place d’une synergie, et elle peut même être reléguée à la place de question de second rang. En effet, le contrat ne sera jamais une protection suffisante aux yeux des entrepreneurs tant qu’ils n’éprouveront pas un profond sentiment de confiance. L’importance de la confiance est ainsi développée dans l’une des hypothèses que nous avons élaborées au cours des entretiens. Lorsque le contrat s’inscrit dans un cadre réglementaire strict, il peut même être perçu par un entrepreneur comme une contrainte forte supplémentaire et jouer un rôle contre-productif.

 

Hypothèse H5. Les différents pôles industriels ayant incrémenté des synergies d’écologie industrielle en Rhône-Alpes sont composés d’entreprises qui présentes des caractéristiques hétérogènes. Les sites de Savoie Technolac et du Pouzin sont une bonne illustration ; des entreprises de tailles différentes et appartenant à des secteurs d’activités différentes peuvent créer des synergies entre elles.

 

Hypothèse H6. Nous avons décidé de présenter cette hypothèse dans la présentation de notre méthode de recherche mais, après considération, il s’est avéré qu’elle n’est pas essentielle en vue de répondre à notre problème.

 

Hypothèse H7. Cette hypothèse, selon laquelle les entreprises doivent partager des convictions environnementales pour participer à des projets d’écologie industrielle, est ici rejetée. Il est clairement apparu que la plupart des entreprises qui s’engagent dans de tels projets n’affichent pas de préoccupation écologique, et que leur principale motivation est économique. C’est pourquoi les entreprises sont beaucoup plus susceptibles d’agir à l’écoute d’arguments économiques qu’à l’écoute d’argument qui vont en faveur de l’intérêt général ou de la protection de l’environnement. Nous devons cependant noter que lorsque l’on s’intéresse aux acteurs publics et parapublics, la question trouve une autre réponse. En effet, l’argument environnemental est clairement affiché par les élus locaux ou les acteurs externes qui impulsent les projets d’écologie industrielle. Cette distinction est nécessaire pour comprendre que les ressorts favorisant les démarches d’écologie industrielles (et donc les ressorts d’éventuelles négociations) ne sont pas les mêmes selon que l’on s’adresse aux acteurs privés ou publics.

 

Hypothèse H8. Les entreprises doivent en effet nécessairement être consultées de façon récurrente dans le lancement d’un projet d’écologie industrielle. Dès lors qu’une décision va à l’encontre de l’intérêt de l’une d’elle, elle peut s’y opposer et bloquer le processus. Les entreprises ont ainsi différents leviers pour participer aux prises de décision : elles sont concertées, font partie des conseils de décisions, des comités de pilotages ou bien encore d’associations.

 

 

Hypothèse HA. Cette hypothèse a été confirmée au cours de nos entretiens : lors de la communication avec les entreprises sur un projet d’écologie industrielle, il est indispensable de leur parler en des termes purement économique. Il s’agit premièrement, après avoir identifié leurs éventuels besoins, de leur parler dans le langage technique et économique très concret qu’elles connaissent. De même, il faut centrer la communication sur des termes tels que la rentabilité, la compétitivité, en s’appuyant sur les études de faisabilité et de potentiel retours d’investissement. Les entreprises ne sont, de manière générale, pas assez sensibles à des discours orienté sur la portée environnementale des projets pour se laisser convaincre par ceux-ci.

 

Hypothèse HB. Nous avons pu découvrir lors des entretiens que le frein psychologique que peut constituer la réticence face au changement, le manque de volonté de faire autrement, est l’une des barrières au développement de l’écologie industrielle. Cette contrainte pourrait être l’une des plus compliquées à résoudre, car il est compliqué de faire changer les habitudes des industriels et la perception traditionnelle de la production. On constate que, la plupart du temps, les entreprises sont prêtes à s’engager dans un changement lorsque celui-ci est une réponse à un problème concret, mais que lorsque les résultats sont satisfaisants, elles ne sont logiquement pas incitées à repenser leur processus de production. Par ailleurs, lorsqu’elles rencontrent un problème, leur premier réflexe sera de tenter de le résoudre en interne avant de penser à une quelconque synergie avec une autre entreprise. La mise en place de synergie d’écologie industrielle est en somme, pour beaucoup d’industriels, une solution envisageable uniquement dans le cas où ils rencontrent un problème insolvable en interne.

 

Hypothèse HC. Lorsque les entreprises privées supportent une partie importante de l’investissement nécessaire au projet, ou lorsqu’elles ont-elles-mêmes lancer le projet, les démarches sont en effet beaucoup plus rapide. On constate ainsi que beaucoup de synergies réussies se mettent en place entre des acteurs privés. Cela est notamment liée au fait que les entreprises attendent une concrétisation beaucoup plus rapide, dans des délais moins longs que ceux qui seraient, par exemple, proposés dans un plan d’aménagement. Il y a donc ici une contradiction avec la réponse à l’hypothèse H1 : d’un côté, les entreprises attendent la prise en main des projets par les pouvoirs publics, mais de l’autre, les projets se concrétisent plus facilement lorsque les acteurs privés sont fortement impliqués. Une réponse possible à ce problème sera proposée dans la conclusion générale.

 

Hypothèses HD. Un dernier facteur s’est révélé déterminant au cours des entretiens. Il s’agit de celui de la confiance entre les acteurs industriels concernés, sans laquelle rien ne peut aboutir. L’élément fondateur d’une synergie d’écologie industrielle est l’établissement de dialogues et discussions fondés sur une confiance réciproque. Quel que soit le contenu d’un éventuel contrat, la rentabilité d’un projet ou sa portée environnementale, les acteurs ne s’engagent pas sans être certains de pouvoir se fier aux partenaires.  Mais cette confiance est particulièrement difficile à établir en ce qui concerne la mise en place de synergies entre des entreprises. Ce constat conforte donc notre première hypothèse selon laquelle la présence d’un médiateur externe est importante, et nous allons le développer dans la conclusion générale.

 

 

Analyse et résumé des entretiens

 

  • Entretien téléphonique avec Leïa Abitbol.  

 

Leïa Abitbol est la fondatrice d’ALDERANE, une structure qui conseille les entreprises et les zones d’activités dans le domaine de l’écologie industrielle. Aujourd’hui, elle continue d’y travailler en tant que responsable de projets. Après la lecture de sa thèse, Initier des coopérations inter-organisationnelles dans les démarches d’écologie industrielle et territoriale. Une relecture en termes de sociologie de la traduction et de la théorie des objets frontières, nous avons décidé de la contacter pour obtenir des précisions sur sa vision du développement actuel, mais surtout des perspectives de développement de l’écologie  industrielle, afin d’identifier les éventuels leviers ou freins principaux des démarches d’écologie  industrielle et territoriale. Cet entretien est le premier à avoir été réalisé, et il l’a été alors que nous n’avions pas encore figée le problème de notre travail. C’est pourquoi il aborde la question sous un angle non pas régional mais plus global. Toutefois, nous avons décidé d’en proposer l’analyse car il apporte des éléments de réponse que l’on peut appliquer au cas régional de Rhône-Alpes, mais également car il nous a beaucoup aidé à constituer notre problématique finale.

Pour commencer cet entretien, nous avons parlé d’une question qui nous paraissait centrale dans notre revue de littérature, à savoir la possibilité de reproduire le modèle de Kalundborg à une plus grande échelle. Pour elle, la question de la proximité est essentielle car les acteurs ont besoin de se connaître. Ils doivent se rencontrer et échanger pour se faire confiance avant de rentrer dans ce type de démarche. De plus, il est aussi ressorti  sur ce point que sur certains matériaux, les grandes distances n’avaient pas de sens, comme pour le carton par exemple, et que si pour d’autres cela aurait pu être intéressant (cas de synergie chimique en B to B par exemple), son expérience lui a montré que les éco-parcs étaient définitivement ce qui existait de plus efficace. Pour finir, nous avons abordé la question du programme NEILS au Royaume-Uni, qui est un programme national, mais nous avons vu que même ici, le programme se déclinait en sous-pôles régionaux, et qu’il s’agissait donc plus de relations entre des « petites bulles » (pour reprendre son expression) que d’un programme national, c’est à dire des petits parcs industriels.

Ainsi, si dans sa thèse Leïa insistait surtout sur la difficulté de coordination entre les différents acteurs décisionnaire d’une entreprise comme frein pour le développement d’une synergie à grande échelle, nous avons mis en évidence au cours de cette discussion que la question de la confiance et de la communication entre les acteurs était centrale dans le processus de synergie industrielle, ce qui limitait un éventuel développement à grande échelle.

Ensuite, nous nous sommes interrogés sur la question d’un éventuel médiateur, pour favoriser la mise en place d’échanges entre les acteurs et le développement de la confiance. Pour Leïa Abitbol, ce médiateur est fondamental à toute démarche d’écologie industrielle. Sur la question de l’identité de ce médiateur, elle déplore que le secteur public ne soit pas plus investi dans le domaine. Par exemple, aucun département spécifique n’a été créé et les rares médiateurs publics employés sont en fait des médiateurs privés sous contrat avec des collectivités. Ainsi, elle pense que le domaine public doit plus s’investir, dans une démarche de transition verte, pour impulser et accélérer le processus de développement de l’écologie industrielle.

Cette dernière remarque nous a amené à nous intéresser aux motivations des entreprises qui souhaitent s’investir dans des démarches de synergie industrielle, ou du moins aux arguments susceptibles de les convaincre. Pour Leïa Abitbol, il ne faut pas trop compter sur la conscience écologique des décisionnaires. Le médiateur doit insister sur la rentabilité économique de la démarche pour les entreprises. Le client n’est pas non plus une motivation particulière, puisque il n’est pas toujours au courant du processus de production des entreprises. Pour elle, il n’est ni un frein, ni réellement un moteur dans ce processus.

Pour finir, nous avons discuté du passage à l’action dans les projets, de leur mise en place, de ce qui était difficile et poussait tant de projets à ne jamais franchir ce cap. Pour elle, le plus dur est d’arriver à la rencontre finale entre tous les acteurs, car souvent, par manque de moyen et de volonté, les projets s’effondrent à l’étape de recherche et d’étude pour montrer leur rentabilité (on retrouve là encore l’importance des médiateurs, réellement au cœur du processus). Pour elle, les experts et acteurs du processus doivent trouver des sujets pratiques, qui intéressent les entreprises : elle est convaincue qu’un travail « hors-sol » est ici inefficace. Ensuite, une fois que la rentabilité est démontrée à des entreprises qui se connaissent et se font confiance, le projet va se mettre en place. Cependant, la difficulté est de maintenir ensuite la dynamique à l’échelle du territoire, car il manque des acteurs formés et compétents, et du financement (on retrouve ici la conviction que le public doit être présent dans ces domaines pour impulser le changement).

 

 

  • Réponses de Suren Erkman à nos questions (conversation par mail). 

 

Suren Erkman travaille actuellement à l’Université de Lausanne, plus précisément à la Faculté des Géosciences et de l’Environnement, dans le groupe travaillant sur l’Ecologie Industrielle. Etant donné que nous avions lu son ouvrage Vers une écologie industrielle, et que celui-ci avait apporté de nombreuses informations, nous avons jugé opportun de lui poser quelques questions en complément. En effet, nous étant focalisés davantage sur les leviers de l’écologie industrielle, nous lui avons tout d’abord demandé s’il pense qu’il est nécessaire qu’une personne « impulsant » le projet, un « coordinateur-motivateur », soit présent. De fait, cela nous permettrait de comprendre davantage la question de la motivation à impulser l’écologie industrielle. A qui appartient le rôle de promouvoir ? Aux politiciens, aux chefs d’entreprises ou bien plutôt aux actionnaires ? Y a-t-il une demande des consommateurs ou bien leur manque d’intérêt rebute-t-il les industriels à lancer des projets d’une telle ampleur ?

Suren Erkman nous a tout d’abord répondu qu’Il n’existe pas de recette générale valable partout. La dynamique de projets d’EI (Ecologie Industrielle) varie beaucoup selon le contexte politique, culturel, institutionnel, etc. Il a tout de même formulé un principe général de manière un peu théorique: il faut que quelqu’un (une personne, une organisation) prenne soin du «système», c’est-à-dire au-delà des intérêts d’une entreprise ou d’une entité particulière, mais à l’échelle collective, systémique.

En pratique, on observe trois grands modèles (et des variantes entre eux naturellement): « bottom up », « top down », et « hybride ». Kalundborg est typiquement du « bottom up »: initiative des entreprises, pas de subventions, pas d’intervention de l’Etat. La Chine est typiquement du « top down »: les instructions viennent d’en haut, etc. La France est un peu dans une situation similaire, au sens où personne ne veut prendre l’initiative sans le soutien des pouvoirs publics. La Suisse, l’Allemagne, etc. sont des bons exemples d’approches dites hybrides: un savant mélange des deux, les pouvoirs publics se limitent en général à créer des conditions cadres qui favorisent l’émergence et la réalisation de projets d’écologie industrielle.

Cela dit, on constate quelques éléments réguliers, comme la présence et l’implication d’un centre de recherche/innovation (pas forcément académique, il peut être privé) ; et le rôle moteur joué souvent par des associations d’entreprises et/ou des gestionnaires de zones industrielles.

 

 

  • Entretien téléphonique avec Fanny Schnur. 

 

Mme Schnur s’occupe principalement de l’aménagement du territoire sur les sites du Bourget et de Chambéry Métropole (150 ha). Elle essaye d’incrémenter des technologies nouvelles, répondant à des exigences de développement durable, dans les problématiques d’aménagement du territoire. L’entretien avec Fanny Schnur nous a permis d’aborder différents points importants pour répondre à notre problème. Le premier point est celui de la communication.

Selon le témoignage de Mme. Schnur, les difficultés de communications entre les pilotes d’un projet et les différentes entreprises qui y participent ne sont que très rares. En effet, elle souligne le fait qu’en tant que responsable de certains projets d’écologie industrielle, elle s’adresse aux entreprises dans un langage très « pratico-pratique ». En d’autres termes, les entreprises comprennent très bien les projets car elle s’adresse à elles dans un langage qui leur est propre, c’est-à-dire technique et économique. C’est pourquoi les entreprises comprennent parfaitement la démarche et les objectifs de celles-ci. Néanmoins, les entreprises ont beaucoup de mal à comprendre que les démarches soient aussi longues, et aimeraient que l’application des prises de décisions soit plus rapide.

En ce qui concerne la gouvernance d’un projet d’écologie industrielle, Fanny Schnur nous a expliqué que les entreprises participent beaucoup aux prises de décisions. En effet, elles participent grâce au conseil de décision, mais sont également concertées lors de nombreuses phases, et ce à tous les étages. Enfin, il existe aussi un comité de pilotage du projet, où les entreprises sont présentes. Par ailleurs, Fanny Schnur a insisté sur le fait que l’on ne peut rien imposer aux entreprises. Ainsi, les entreprises ne participent et ne s’engagent que lorsqu’elles trouvent un intérêt concret et identifié dans la démarche. La plupart du temps, cet intérêt n’a pas de lien avec une conscience environnementale ou la volonté de répondre à l’intérêt collectif et général ; même si certains entrepreneurs partagent toutefois des conceptions environnementales, ce n’est certainement pas le premier moteur de leur engagement).

Les entreprises présentes sur le site de Savoie Technolac ne sont pas nécessairement similaires. En effet, même si la majorité des entreprises constitue un tissu de PME assez dense, il y a aussi des groupes mondiaux et des grands centres de recherches.

Comme tous nos interlocuteurs, Fanny Schnur a insisté sur le fait que la présence d’un médiateur, d’un acteur public ou parapublic, est indispensable. En effet, elle explique que les entreprises dialoguent très peu entre elles. Il est très rare que des relations se nouent naturellement, et la présence d’un agent tiers est indispensable, ne serait-ce que pour organiser les différentes rencontres entre les acteurs. Toutefois, les projets se réalisent bien plus rapidement lorsqu’ils sont portés par des partenaires et investisseurs privés, car ils attendent une concrétisation bien plus rapide. Par exemple, sur le site de Chambéry, un projet de récupération d’énergie fatale soutenu à hauteur de 6.5 millions d’euros par un acteur privé a vu le jour assez rapidement et devrait se concrétiser en 2016 (les détails sont présents dans l’annexe correspondant à cet entretien).

Les accords ne sont quant à eux pas nécessairement encadrés par un contrat formel. Toutefois, lorsqu’il s’agit de créer des synergies entre différentes entreprises sur des « process critiques », c’est-à-dire des process fondamentaux et au cœur de l’activité (tels que l’approvisionnement en ressources ou en énergie), alors les entreprises ont beaucoup plus de mal à adhérer au projet.  Et à cet égard, Fanny Schnur nous a proposé une analyse très intéressante. La première explication que l’on donnerait à priori à cette réticence est le manque de confiance. En effet, il peut sembler hostile de se nouer dans une relation de dépendance avec une autre entreprise dans le but de créer une synergie, ce qui nécessite un très haut niveau de confiance. Toutefois, Fanny Schnur souligne qu’il n’est pas tant rationnel de faire plus confiance à un fournisseur étranger et parfois inconnu, plutôt qu’à un partenaire proche localement et avec qui on peut facilement entrer en contact. De plus, la probabilité qu’un partenaire ne puisse pas assurer son rôle dans une synergie n’est pas nécessairement plus élevée que la probabilité qu’un fournisseur flanche et ne remplisse pas sa part du contrat dans une relation marchande classique. Si les entreprises sont donc réticentes à mettre en place des synergies d’écologies industrielles sur le process critiques, ce n’est pas, selon Fanny Schnur, par manque de confiance, mais bien à cause d’un autre frein qu’elle qualifie de « psychologique ». Ce frein, selon elle, renvoie au fait que les entreprises s’inscrivent dans des schémas de production classiques, et qu’elles ne cherchent pas d’autres modèles, par réticence face au changement ou par méconnaissance des alternatives. L’une des solutions, qui nous est apparue suite à cette entretien, résiderait peut-être dans l’accroissement d’une intervention publique afin d’informer et d’essayer de modifier la perception de l’écologie par les entrepreneurs, de manière à les rendre plus ouverts au changement et à ces alternatives. Car, pour reprendre une formulation prononcée par Fanny Schnur au cours de l’entretien, finalement, « le changement est ce que les gens veulent bien accepter ».

Enfin, Fanny Schnur nous a expliqué de quelle équation compliquée résulte un projet d’écologie industrielle en terme d’aménagement. En effet, un plan d’aménagement se réfléchit généralement sur 20 à 30 ans. Néanmoins, le progrès technique et les innovations technologiques se font beaucoup plus rapidement, et ne sont pas prévisibles à l’avance. C’est pourquoi, même si un aménagement se prévoit à long terme, il faut tout de même ménager des « portes de sorties », c’est-à-dire ne pas tout prévoir à l’avance, afin de ne pas constituer un cadre trop rigide et permettre l’introduction de technologies et projets qui n’étaient pas prévus initialement. « Il faut mener des choses structurantes, qui permettent tout de même le changement », ce qui est loin d’être aisé. Par ailleurs, souvent, l’origine d’un pôle d’écologie industrielle est un petit noyau d’entreprises, auquel viennent par la suite s’agréger une multitude de compétences supplémentaires. Ainsi, tout n’est pas prévu à l’avance, et certains process viennent parfois se greffer au pôle alors qu’ils n’étaient initialement pas prévus.

 

 

  • Entretien téléphonique avec Florence Charnay, Chef de Projet économie circulaire en Région Rhône-Alpes 

 

 

Le rôle de Florence Charnay est, selon elle, « d’acculturer les entreprises et les relais à l’économie circulaire » ; elle est par ailleurs chargée de mission dans l’environnement pour accompagner les entreprises, avec la thématique de l’écologie industrielle. C’est pourquoi nous avons décidé de l’interroger, car Madame Charnay semblait être un acteur connaissant parfaitement l’Etat d’avancement de l’écologie industrielle dans la région choisie.

Nous avons tout d’abord voulu savoir si elle pensait que la région Rhônes-Alpes est propice au développement de l’écologie industrielle. C’est-à-dire en ce qui concerne les moyens développés, les entreprises présentes sur le territoire, l’envie des partenaires. Florence a répondu qu’effectivement, nous sommes sur un tissu riche d’entreprises, un tissu d’acteurs et de relais régionaux (notamment les pôles de compétitivité), avec des centres de recherches très dynamiques, qui se sont emparés très tôt de la thématique ; bien que sans forcément la nommer de cette façon (sous-entendu le terme « écologie industrielle ») ; et la région a accompagné une étude en 2007 sur la vallée de la chimie, depuis elle poursuit un accompagnement sur les initiatives de territoire.

On observe une montée en compétence et en expertise, grâce à un état des lieux réalisé en 2012 sur la région. Cela a permis de voir que des territoires veulent se lancer, mais qu’il n’existe pas de politique pour les accompagner. De ce fait, la région a lancé un appel à projets en 2013 ; qui a rencontré deux lauréats : AIR – qui a conduit beaucoup d’actions : des fermes solaires et d’autres projets de ce type vers Meyzieux-, et un territoire plus rural, Biovallée – qui a tout d’abord été très dynamique puis a rencontré quelques problèmes, donc l’animateur est parti mi-octobre, ce qui a impliqué que maintenant le projet a du mal à se réaliser. Ces deux lauréats ont conduit des projets durant deux années.

C’est pourquoi nous avons ensuite voulu savoir s’il y a des « animateurs », des lanceurs de projets qui sont nécessaires à l’impulsion de ces projets. Selon Florence, il est compliqué de dire quelle personne est clé, car chaque territoire possède ses propriétés, ses acteurs. De plus, la thématique de l’écologie industrielle recouvre aussi tous les entrants et les sortants, la mutualisation de l’équipement.

L’écologie industrielle est donc un thème très vaste, par contre s’il y a déjà une dynamique formelle ou informelle, (comme une association pré-existante, ou une zone d’activités, ou encore une association citoyenne qui met en œuvre de nombreuses actions, ou bien chambre consulaire, etc ) cela dynamise, « fait monter la sauce ». Voilà pourquoi la région Rhône-Alpes finance un animateur, qui a rôle clé, c’est une sorte de « chef d’orchestre » pour sensibiliser les entreprises et aller vers les collectivités.

Pour poursuivre l’entretien, nous avons ensuite demandé à Florence si la région détenait un budget destiné à l’écologie industrielle ou bien si c’était un domaine trop vaste pour définir précisément comment allouer cet argent. Il n’y a apparemment pas de ligne budgétaire spécifiquement allouée. Cependant, les chargés de mission ont lancé des expérimentations autour de Grenoble avec une méthodologie composée de quatre territoires pilotes dont le Rhône-Alpes, avec la méthode anglaise « National Program », de façon à avoir la région comme terrain d’expérimentation.

Aussi, nous avons souhaité savoir si Madame Charnay, qui se trouve au cœur du lancement des projets, a rencontré beaucoup de réticence au changement que nécessite la mise en place de l’écologie industrielle. D’après Madame Charnay, la région a justement des retours d’expérience là-dessus, notamment grâce à un état des lieux opéré en 2014 : si les entreprises n’ont pas fait d’analyse préalable pour savoir les flux entrants et sortants, l’optimisation qu’elle peut réaliser elle-même (par exemple: sur la chaleur fatale qui peut être récupérée en interne), alors elle ne peut pas se lancer dans une synergie. Il faut donc d’abord qu’elle fasse son propre diagnostic, pour voir ce qu’elle peut valoriser en interne et après aller voir les autres entreprises, sinon elles sont réticentes.

Bien qu’il y ait un gain économique, dès lors qu’une entreprise a une incertitude, alors elle sait que si l’autre entreprise partenaire s’effondre, la première devra trouver d’autres partenariats. Il ne faut pas oublier que l’entreprise se situe dans une relation « business », c’est-à-dire qu’elle doit faire rentrer de l’argent, on ne peut donc pas avancer des arguments environnementaux, il faut d’abord faire preuve d’une entrée « économique » à venir, il est nécessaire de parler d’entrée de jeu d’un gain si l’on souhaite accrocher l’entreprise.

Pour informer les entreprises sur les possibilités de synergies industrielles, des avantages qui en découlent, la région Rhône-Alpes passe par des structures régionales, des chambres consulaires, mais aussi des pôles de compétitivité, car ce sont eux qui font de la communication, qui connaissent les entreprises pour les orienter au mieux. Depuis 2013 le Conseil Régional a créé des dispositifs ; il possède dorénavant des outils, avec pour objectif de créer un réseau en 2016. Celui-ci permettrait aux entreprises de se connaître, d’échanger et de pouvoir capitaliser, puisque toutes n’ont pas les mêmes manières d’appréhender l’écologie industrielle.

Alors, sous quelle forme se présenterait ce réseau ? Un bureau d’études existe, avec des thématiques, mais également des journées de formations et autres pour pouvoir recueillir ces actions, et aussi capter les territoires non identifiés qui sont en démarche et qui veulent « rentrer dans la boucle ».

Ensuite, étant une actrice du Conseil Régional, nous lui avons demandé si elle pensait que les projets privés fonctionnent mieux que les projets impulsés par la région. Madame Charnay affirme qu’elle est sûre que les synergies ont plutôt lieu entre entreprises privées ; par contre elles peuvent par ailleurs exister entre privé et public. Elle a notamment cité l’exemple à Meyzieux d’une entreprise privée qui a un surplus de vapeur à côté de la piscine municipale. Ainsi, une étude est en place concernant la faisabilité d’utiliser cette chaleur pour la piscine.

Cela reste au stade d’objet d’étude, mais ce qu’il faut noter est que bien souvent, les entreprises privées sollicitent des fonds publics pour « un coup de pouce financier », afin de réaliser leur projet. Voilà pourquoi le Conseil régional met en œuvre une mission de service public : il permet à la fois de sensibiliser sur la thématique et aussi de créer des études de faisabilité, et à la fois d’aider les entreprises à passer à l’acte pour réaliser le changement. Le travail préalable du Conseil Régional est nécessaire car le processus d’écologie industriel est « long à sortir », notamment par le besoin au préalable d’études réglementaires.

De façon à répondre à nos questions toujours en suspens, nous avons souhaité savoir s’il existe un projet pour renseigner davantage les ingénieurs sur le sujet, si cela semble vraiment nécessaire au développement de l’écologie industrielle. D’après notre interlocutrice, ce sujet est tellement vaste, que certes l’écologie industrielle est apparue dans les programmes de certains Master, mais que cependant il reste encore du chemin à parcourir pour sensibiliser les ingénieurs. Il y a encore du « boulot de communication », pour acculturer les entreprises à cette thématique.

De plus, la thématique étant tellement récente et sans recul, qu’il faut montrer aux entreprises des retours d’expérience pour qu’elles soient incitées à se lancer. C’est pourquoi nous lui avons demandé si un exemple de synergie ayant fonctionné dans la région pourrait servir de modèle aux entreprises frileuses de se lancer dans le projet. Florence a alors rappelé que ce sont des démarches administratives longues à installer, qui demandent du temps. Personne ne détient donc encore de retour concret.

Pour autant, il existe une plateforme chimique GIE, un groupement de terrains économiques, qui est une sorte d’association qui propose des services pour les déchets, la cantine, la sécurité. Cette plateforme OSIRIS (association qui est déjà ancienne) s’est séparée ; mais au fur et à mesure les utilités des différentes entreprises entre elles sont restées intactes, la synergie a continué de fonctionner.

Cependant cet exemple reste à relativiser car il est particulier au contexte chimique donc pas reproductible pour toutes les synergies d’entreprises. Ensuite, nous avons voulu connaître son point de vue sur la façon dont les synergies se créent entre plusieurs entreprises, et si selon elle la mise en place d’un contrat est obligatoire.

Sa réponse fut très intéressante : Non, cette mise en place n’est pas nécessaire, car s’il y a vraiment trop de règles au début, les industriels ne sont pas incités à se lancer dans le projet. Par exemple, Kalundborg s’est lancé « autour d’une bière le soir », en toute convivialité. Dès lors qu’il y a trop de contrats, les entreprises ne veulent pas s’intégrer, car elles ont besoin de se laisser la possibilité de partir, cela les rassure.

Pour autant, quand les deux parties sont d’accord, il faut bien conventionner entre les deux pour que la répartition des frais et tâches soit claire. Cependant leurs données sont confidentielles : elles n’ont pas à transmettre tous leurs résultats à l’autre entreprise.

Ainsi, le contrat n’arrive-t-il pas tout de suite, il faut dans un premier temps que la confiance se mette en place, « on écoute, on discute », ce qui est assez aléatoire d’une synergie à l’autre. On ne peut donc pas structurer cette entente dans un cadre qui a des conventions ; par contre une fois que les deux entreprises ont identifié une action, là le contrat peut être mis en œuvre, mais sinon la relation est tellement aléatoire que ça « ne rentre pas dans les clous ».

Cela signifie que, puisqu’il s’agit de relations humaines, il est très difficile de les gérer dans un premier temps de façon contractuelle. C’est seulement une fois que cette étape de confiance est mise en place qu’on peut ensuite rentrer dans des questions de coûts, de durées, inscrire noir sur blanc la relation, et alors on passe à une étape très rationnelle. Dans un premier temps la synergie s’avère  donc informelle, ce n’est qu’ensuite que les entreprises insèrent des caractères techniques et des contraintes, car en effet elles ont besoin de garantie derrière un premier contact, mais cette mise sous contrat n’empêche pas la confiance.

En conclusion de cet entretien, pour compléter notre recherche, nous avons souhaité regarder les perspectives de progression de l’écologie industrielle dans la région Rhône-Alpes. Florence Charnay affirme que le Conseil Régional va tout faire pour que cette thématique se généralise. L’écologie industrielle a un avenir car nous connaissons une période où les entreprises veulent réduire les coûts.

Or l’écologie industrielle représente un très bon argument dans ce sens. Voilà pourquoi la région peut œuvrer non seulement en faveur de la pérennité des entreprises mais aussi du respect de l’environnement.

 

 

  •  Entretien téléphonique avec Dimitri Coulon. 

 

 

Nous souhaitions interroger un acteur principal d’un projet d’écologie industrielle réussi. L’étude du projet COMETHE, dont l’objectif est de concevoir des outils d’aide à la décision pour la mise en œuvre de l’écologie industrielle sur un parc d’activités ou un territoire, nous a amené à étudier le site du Pouzin en Ardèche. Il était tout à fait logique de nous renseigner, pour approfondir notre sujet, auprès des acteurs qui ont mis en œuvre avec brio ce projet industriel. Dimitri Coulon, responsable qualité et environnement du CNR et notamment coordinateur sur le site du Pouzin, a volontiers accepté de nous répondre.

Dans un premier temps, Dimitri Coulon a remis dans son contexte le projet du Pouzin à travers une explication de l’activité du CNR. Le CNR gère 3 activités principalement : la production d’énergie hydroélectrique avec la gestion de 18 barrages en France, le développement du transport fluvial et l’aménagement d’infrastructures pour le milieu agricole (gestion de l’irrigation). Le site du Pouzin est né grâce à une volonté des collectivités territoriales d’accroître l’attractivité de la ville en créant une plateforme portuaire. En 2006, l’activité industrielle est encore peu développée au Pouzin, et la ville est petite. « On se situe dans le ventre mou de la vallée du Rhône » nous dit-il. Le CNR s’est d’abord intéressé à mettre en place des projets en rapport avec la production d’énergies « vertes » (éoliennes, photovoltaïque) avant de se lancer dans la création de la plateforme portuaire.

Nous nous sommes ensuite interrogés sur les motivations qui ont poussé le CNR ainsi que les collectivités territoriales à mettre en œuvre les principes de l’écologie industrielle sur le site du Pouzin. Si la partie sud était dédiée aux activités de production d’énergies, la partie nord était au cœur d’une réflexion des acteurs locaux. « À travers le projet COMETHE, il y avait une envie d’engager une réflexion sur comment commercialiser un site en utilisant les principes de l’écologie industrielle en tenant compte de ce qu’il y avait autour du site ». En réalité, l’écologie industrielle était l’unique possibilité qui s’offrait au site pour être commercialisé : peu de demandes, faible trafic, faible activité industrielle. L’écologie industrielle était donc un moyen de valoriser le site du Pouzin. Par ailleurs, le maire du Pouzin aspirait à un réel développement économique de sa ville. Son engagement et son implication était sans faille. De là, et pour creuser le sujet, nous avons questionné Dimitri Coulon sur le rôle joué par les collectivités territoriales, et notamment le rôle joué par le maire du Pouzin, dans la mise en place de l’écologie industrielle sur le site du Pouzin. La réponse a été sans équivoque : le facteur principal fut clairement le « portage politique du projet ». Sans la volonté du maire, « une conviction pendant toutes ces années » le CNR aurait sûrement baissé les bras. Pourquoi ? Le site du Pouzin ne faisait pas partie de leurs priorités et le coût était notable.

Il faut donc une volonté des acteurs économiques (un intérêt économique) mais également un grand appui des responsables régionaux et territoriaux pour mettre en œuvre des projets d’écologie industrielle. Au-delà de ce levier, il faut également percevoir un frein implicite mis en exergue par Dimitri Coulon. « Comment assurer un projet sur le long-terme avec les alternances politiques ? » : sans continuité dans le dossier, avec des personnes moins renseignées, voire pire, des personnes opposées au projet, la création de sites est plus longue que prévue et semée d’embuche.

De plus, il n’existe pour le moment « aucun dispositif ». Si le portage politique est primordial, il convient aussi de considérer le portage des entreprises elles-mêmes. Des fédérations d’entreprises qui portent le projet, avec conviction et volonté, font preuve d’un certain engagement crédibilisant de fait le projet. « C’est un puissant levier ». Enfin, il faut un accompagnement financier : l’installation d’un projet d’écologie industrielle a un certain coût au départ que les entreprises ne peuvent pas nécessairement avancer. Si le projet s’inscrit dans l’aménagement du territoire, les collectivités régionales et territoriales sont plus enclines à accompagner ce type de projet, qui peut par ailleurs être soutenu par le FEDER. Certaines régions aident plus ou moins les projets d’écologie industrielle, et selon Dimitri Coulon, « la région Rhône-Alpes est très en avance dans les dispositifs d’accompagnement ».

L’argent constitue un des leviers, mais peut aussi représenter, implicitement, un frein. Dimitri Coulon soulève un autre frein, relevant cette fois de la sphère légale. Sans contraintes liées à la loi, l’écologie industrielle se développe plus difficilement « tant qu’on n’a pas d’obligation à mettre en place des schémas de principe d’écologie industrielle, ça n’avance pas vite ». Bien évidemment, il faut voir au-delà des contraintes légales et considérer les volets économiques de l’écologie industrielle : économie de gestion et gestion des risques. Cela dit, « il faut [tout de même] instaurer des réglementations incitatives » qui sont aux fondements mêmes de l’écologie industrielle.

 

 

 

  • Entretien téléphonique avec Clémence Roldan, anciennement Chargée de mission Ecologie Industrielle et Territoriale à Orée, et dorénavant employée par l’AIRM (Association des Industriels de la Région de Meyzieu, Jonage, Pusignan). 

 

 

Nous l’avons tout d’abord interrogée sur le projet de référentiel national de l’EI lancé par Orée ; a-t-il été créé dans le but d’inciter les entreprises à mettre en place l’EI, afin de leur en montrer les points positifs et ce qu’elles y gagneraient ? Selon Clémence, ce référentiel n’a pas tout de suite été utilisé pour promouvoir l’EI, uniquement été créé parce qu’il manquait des informations à ce sujet, en effet il n’existait pas vraiment de référentiel clair. Dorénavant, si une problématique se pose à une entreprise, elle sait qu’elle n’est pas la seule à la rencontrer. Orée continue d’ailleurs à le mettre à jour.

Clémence nous a ensuite présenté l’origine de son poste actuel. Un projet de gardiennage mutualisé a été lancé, avec à la base de celui-ci des dirigeants d’entreprises. Cela leur permettrait d’avoir en permanence un gardien sur la zone, c’était donc pratique. Et puis il y a cinq ans, ces entreprises se sont lancées dans la « mobilité », en créant un plan de déplacement inter-entreprises, car on avait remarqué un manque de voiture individuelle pour les employés. Le directeur d’une entreprise s’est rendu compte du « terreau assez fertile », d’une zone composée de bon nombre d’entreprises avec pas mal de flux, d’une gestion des espaces verts mutualisée sans produit phytosanitaire, et la gestion des déchets dangereux ou non.
Ensuite en 2013, la région Rhône-Alpes a fait un appel à projet en finançant un bureau d’études et une personne qui l’anime, c’est à ce moment que Clémence a commencé à travailler pour l’AIRM. Elle détenait déjà l’expérience d’Orée, donc elle connaissait déjà les freins et les leviers à la mise en place de l’EI. Selon Clémence il faut toujours avoir une personne référente, de cette manière on a les projets les plus intéressants. Par ailleurs, quand l’idée part de l’entreprise le projet a le plus de chance d’aboutir. Une autre condition est qu’il faut de l’animation pour que les gens soient à l’aise lors des rencontres pour créer de la confiance entre les entreprises ; c’est pourquoi l’AIRM met en place trente animations par an pour les dirigeants, et qu’un club a été créée, qui réunit les différentes entreprises quand elles ont les mêmes problématiques même si elles ne produisent pas la même chose. Le Rôle de l’AIRM est également de rencontrer les adhérents pour savoir quels sont leurs problèmes, plutôt que de leur proposer des projets qui ne les intéressent pas.
Comme nous l’avons suggéré, le rôle de l’animateur est important, par contre il faut du temps, car la mise en place de l’EI nécessite un changement de comportement, ce qui n’est bien sûr pas évident, de changer la manière d’être de l’entreprise. C’est pourquoi même de beaux projets peuvent « tomber à l’eau », on ne va pas toujours jusqu’au bout. Mais rien que le fait d’avoir une animation est vraiment important selon Clémence, que les entreprises se rencontrent.
Par la suite, Clémence nous a énuméré quelques exemples de projets que l’AIRM a aidé à mettre en place. C’est le cas du TAMTAM, un service de sites d’annonces en ligne ouvert uniquement aux adhérents, qui postent une annonce pour poser des questions à toutes les entreprises du groupe. Il peut s’agir par exemple de problèmes de déchets : au lieu de jeter un objet dont elle ne se sert plus, l’entreprise concernée propose de le donner sur ce site. Ou bien si une entreprise trouve que le réseau de transports n’est pas adapté, notamment que le premier tramway arrive trop tard pour ses employés, celle-ci peut s’adresser aux autres entreprises du réseau, ce qui génère plus d’impact pour changer les transports en commun. Clémence nous a également rappelé que si une certaine entreprise, comme cela a déjà été le cas, veut opacifier ses bâtiments par rapport aux rayons du soleil, une autre entreprise qui a déjà été concernée par ce problème peut alors la conseiller.
Ce TAMTAM n’est donc d’après Clémence qu’un réseau tout simple, mais qui permet de retirer « l’épine du pied » d’une entreprise, qui existe uniquement parce qu’il y a une animation, tout cela dans le but de créer une synergie sur un territoire d’entreprises.
Cependant, un autre exemple de synergie était lié à des entreprises qui avaient un projet de récupération de chaleur fatale, sauf que l’entreprise en question s’est dit qu’elle s’engageait sur plusieurs années, alors qu’elle aurait pu faire des changements en interne pour limiter cette chaleur perdue. Voilà pourquoi il ne faut pas s’attendre à ce que l’animateur soit toujours utile : dans certains cas l’entreprise préfère opérer des changements sur son propre fonctionnement plutôt que de le lier à une autre entreprise. Après tout, si elle peut réduire par elle-même ses déchets, autant le faire plutôt que de prendre le risque de lier sa production à une autre entreprise.
De plus, une autre limite est que beaucoup de petites entreprises préfèrent les services mutualisés, car elles n’ont pas assez de moyens pour les grosses synergies. Il vaut mieux dans ce cas agir à plus petite échelle.
D’après Clémence Roldan, la fonction de l’animateur est de s’insérer dans la routine d’une problématique rencontrée par certaines entreprises. Par exemple, Clémence a rencontré le cas d’un salarié qui voulait acheter une voiture électrique, mais désirait se renseigner sur les aides qu’il pouvait obtenir, dans ce cas l’animateur l’a redirigé vers une entreprise qui a rencontré ce cas de figure par le passé.
Quand nous avons souhaité connaître les freins principaux à l’élaboration de l’écologie industrielle, Clémence nous a évoqué un exemple qu’elle a connu. Il s’agissait de terrains sous lignes à haute tension commercialisés pour être vendus ; mais on a eu beaucoup de mal à les vendre, or quelques grosses entreprises avaient des objectifs d’énergies renouvelables avec un certain mal à les atteindre. Il y avait donc possibilité de concilier les deux objectifs : un projet d’installation de panneaux solaires thermiques pour relier deux entreprises a été mené, avec un porteur de projet. Cela semblait donc prometteur, mais le principal frein fut que le projet nécessitait un engagement de dix ans au minimum, à cause des lourds travaux et des forts investissements nécessités. Contrairement à ce qu’on aurait pu penser, même les deux entreprises, existant depuis cinquante ans ont hésité à s’engager, car le monde économique « bouge trop vite ». Un engagement de long terme est donc parfois trop risqué, lorsqu’on ne sait pas ce qu’il adviendra d’une entreprise dans quelque temps.
D’après Clémence, il ne s’agit pas de mauvaise volonté de la part des entreprises, mais simplement de la crainte des conséquences possibles sur leur activité.  Certes, des aides existent, mais les investisseurs ne peuvent s’engager davantage.
De plus, les énergies renouvelables sont plus couteuses ; et un frein que l’on retrouve sur de nombreuses synergies, c’est notamment que l’investissement est séparé entre très peu d’acteurs, peu d’entreprises, donc si même une seule entreprise sort du circuit, cela représente une problème pour toute la boucle. Entre quelques entreprises, la situation n’est pas la même que dans les réseaux de chaleur entre de multiples foyers par exemple ; dans le cas des industries, lorsque seulement trois acteurs ou moins sont présents, si l’un se désiste, cela créé un manque à gagner conséquent pour les entreprises.
Voilà pourquoi les investisseurs tiers ne sont pas prêts à s’engager ; ils ont la conviction que cela représente un énorme risque pour seulement deux ou trois acteurs.

 

Nous avons alors voulu savoir quelle pourrait être la solution à ce frein qui semble empêcher tout engagement. Selon Clémence, un des leviers serait une assurance qui « prendrait le pari » que le projet réussisse. Or l’AIRM s’est renseignée, en France ce système d’assurance n’existe pas ; tandis qu’au Royaume-Uni c’est le cas, il s’agit alors d’assurances « atypiques », c’est-à-dire qui ont l’habitude de risques improbables. Voilà une idée qui pourrait être intéressante ; cependant : est-ce qu’il y aurait assez de projets pour que cela soit rentable pour les assurances, et ne serait-ce pas trop coûteux aux entreprises de s’assurer ?

L’interview a ensuite révélé un autre frein intéressant. Pour réaliser une synergie, il faut tout d’abord trouver deux entreprises qui ont la même « vision des choses ». Or sur les cent entreprises avec lesquelles Clémence Roldan travaille, seulement une vingtaine a l’envie de « voir ailleurs », autrement dit de ne pas rester « seules dans leur coin », mais de s’allier à d’autres.
Par ailleurs, même lorsqu’une entreprise veut par exemple réutiliser des containers déjà utilisés par une autre, alors cette dernière peut se retrouver embêtée parce que ses containers sont déjà gérés par une entreprise de récupération. Cela peut donc créer des problèmes de logistique qu’une entreprise tierce veule réutiliser dans son processus de production des déchets déjà pris en charge, c’est pourquoi on ne peut pas être sûr que cela vaille le coup, bien qu’il y ait une volonté de réutiliser de création de synergie entre deux entreprises.

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Nous avons voulu ensuite savoir si le levier économique est primordial pour qu’une entreprise veuille se lancer dans un projet d’écologie industrielle. Selon Clémence, certes ce levier est très important mais pas toujours suffisant ; en effet parfois bien que des services d’écologie industrielle se retrouvent moins chers l’entreprise n’accepte pas le projet. Pour qu’elle se lance dedans il est aussi nécessaire que celui-ci soit très rentable ou bien que d’autres atouts soient présents à côté. Cependant, sans condition de rentabilité à la base il est inutile de leur proposer quelque projet que ce soit. Mais il faut en plus d’autres leviers à côté, et pas de freins trop contraignant, comme une logistique différente entre autres. Par exemple, un projet a émergé : de déchets en cartons posés directement par les entreprises de façon à ce qu’ils soient revendus ; pourtant Clémence n’y croit pas car cette idée ramènerait très peu de gains, mais demanderait en contrepartie beaucoup de contraintes, de déplacement et de stockage.

En ce qui concerne le problème de l’engagement dans le long terme, Clémence pense que puisque la collectivité a l’habitude de s’engager et peut être sûre d’être présente encore dix ans après, des partenariats entreprise-collectivité seraient intéressants. Cependant, il suffirait que cette entreprise se fasse acheter par un autre groupe qui ne voit pas l’intérêt du projet pour que celui-ci prenne fin : les failles sont donc constamment présentes.

Par ailleurs, Clémence pense qu’il est nécessaire que les intermédiaires telle l’AIRM aillent rencontrer les entreprises pour voir quelles sont les problématiques. En effet il est nécessaire qu’une entreprise soit face à une entrave, car lorsqu’elle ne rencontre aucun problème l’entreprise aura plus de mal à s’intéresser aux solutions que propose l’écologie industrielle : elle n’en ressent pas le besoin. Par exemple, si un prestataire gérant les déchets d’une entreprise ferme, alors l’entreprise se retrouve avec ces déchets ; celle-ci veut alors essayer de s’en débarrasser : l’AIRM a donc un levier d’action important pour présenter les solutions que pourrait apporter l’écologie industrielle.
Il semble donc nécessaire d’être présent sur le terrain, de s’adresser directement aux entreprises pour avoir plus de poids. Ce lien peut apparemment s’effectuer sous forme d’entretien individuel ou suivant le modèle Mist, venant d’Angleterre : un groupe conséquent d’entreprises se réunit et elles affichent les problèmes qu’elles rencontrent, de façon à se rattacher à des entreprises qui pourraient répondre à leurs problématiques ou qui y ont déjà été confrontées.
Enfin, Clémence a trouvé important de signaler que l’AIRM représente une association d’entreprises payée par les adhérents, par conséquent les entreprises ont confiance en ses représentants. Alors que les bureaux d’études ne font généralement pas de suivi, se déplacent seulement ponctuellement, ont peut-être des intérêts cachés. En ce qui concerne l’AIRM au contraire, il n’y a pas de problème de confidentialité, par conséquent on peut penser que son travail est plus efficace. De la même façon, le travail des collectivités n’est pas forcément le plus efficace, puisque les élus n’ont pas forcément les mêmes objectifs que les entreprises, ou lorsque plusieurs collectivités sont représentées par différents partis, cela devient très compliqué de pouvoir mettre en place une synergie. Tandis que Clémence, dans son poste à l’AIRM, détient une liberté d’action, elle peut agir vite – même si les délais peuvent paraître longs aux entreprises ; il s’agit du « problème de temporalité » entre entreprises : le monde industriel évolue très rapidement tandis que les acteurs qui s’en occupent sont souvent plus lents.

Pour finir, lorsque nous avons demandé à Clémence ce qu’elle pense de l’avenir de l’écologie industrielle, elle nous a répondu que les projets sont de plus en plus présents, ils se développent. Selon notre interlocutrice, l’écologie industrielle n’est pas du tout révolutionnaire, mais bien logique, de nombreuses entreprises la mettent en place, mais ne la nomment tout simplement pas de cette manière. L’écologie industrielle représente finalement un concept assez banal, comme entre un fournisseur et l’entreprise qui l’emploie. L’idée, le rôle d’organisations telle l’AIRM est juste de généraliser ce concept entre des personnes, des chefs d’entreprises qui ne se connaissent pas, de créer un lien.

Préalables à l’enquête terrain

 

  • Les hypothèses et les variables de la recherche  

 

 

 

  • Les questions en suspens suite à la revue de littérature. 

 

Suite à l’élaboration de notre revue de littérature, une multitude de questions et de problèmes se sont posés. Nous n’avons pas pu répondre à toutes ces questions et c’est pour cette raison que, outre nos différentes hypothèses et les variables que nous souhaitons évaluer, ces questions nous ont fortement inspirés et guidés pour rédiger notre guide d’entretien. Les questions qui nous semblaient le plus important, afin de répondre à notre problème, sont les suivantes :

  • A quelle hauteur s’élève l’investissement nécessaire à la mise en place d’un projet d’écologie industrielle et territoriale ?
  • Peut-on se passer d’une intervention publique ou parapublique pour envisager la réussite d’un projet d’écologie industrielle et territoriale ?
  • Les démarches d’écologie industrielle peuvent-elles reposer uniquement sur une logique de marché, ou doivent-elle également être une réponse à un problème d’intérêt général (tel que l’amélioration de la qualité de vie) ?
  • Pour quelles raisons certains chefs d’entreprises s’engagent dans l’écologie industrielle et territoriale ?
  • La région Rhône-Alpes se prête-t-elle au développement de l’écologie industrielle et territoriale ?
  • Quels sont les acteurs présents sur la région Rhône-Alpes qui peuvent permettre d’impulser, d’encourager et d’encadrer cette démarche ?
  • Le conseil régional de Rhône-Alpes agit-il dans le bon sens pour permettre à ce concept de se développer ?

 

 

  • Les hypothèses et les variables de la recherche. 

 

Les hypothèses et les variables que nous avons choisies ont été déterminées suite à la constitution de la revue de littérature, au cours de laquelle plusieurs éléments nous ont semblés importants car ils revenaient souvent. Elles sont également le fruit des questions qui demeurent en suspens après la constitution de cette même revue de littérature. Notons que ces hypothèses s’appliquent au cas de Rhône-Alpes.

 

Hypothèse H1 : la présence d’un acteur public ou parapublic est indispensable, pour coordonner et animer un projet.

 

Hypothèse H2 : un tissu industriel doit préexister au lancement d’un projet, car une telle démarche ne peut pas être fondée ex nihilo.

 

Hypothèse H3 : une certaine proximité entre les acteurs du projet est requise, c’est-à-dire qu’ils doivent se connaître préalablement au lancement du projet.

 

Hypothèse H4 : les différents accords doivent être strictement formalisés, pour se prémunir contre d’éventuels risques. Cela implique l’élaboration de contrats.

 

Hypothèse H5 : les différentes entreprises doivent être similaires, en termes de taille et de secteur d’activité.

 

Hypothèse H6 : les entreprises ne doivent pas appartenir à de grands groupes gérés par des fonds d’investissement et/ou des actionnaires qui s’inscrivent principalement dans une logique de recherche de rentabilité.

 

Hypothèse H7 : les entreprises et les différents acteurs concernés doivent partager des convictions environnementales.

 

Hypothèse H8 : grâce à des associations ou des comités de pilotage, les entreprises doivent être concertées et participer aux différentes prises de décision.

 

 

  • La méthode de recherche 
  • La structure de la recherche

 

Notre problématique se focalisant sur l’aspect régional, la méthode employée pour y répondre consiste essentiellement en une étude terrain auprès des acteurs directement concernés. Il s’agit en effet de s’intéresser aux différents sites rhônalpins où des démarches d’écologie industrielle et territoriale ont été envisagées (concrétisées ou abandonnées par la suite). Nous cherchons en effet à creuser les opportunités qui permettent de tels projets en Rhône-Alpes, ainsi que les facteurs et les freins de ces opportunités. Pour cela, nous nous appuyons sur un travail préalable de recherche internet sur les différents territoires industriels de la région, afin de remarquer d’éventuelles synergies possibles, envisagées ou existantes. Une fois que ces sites ont été ciblés, l’objectif est d’entrer directement en contact avec les personnes responsables de ces sites pour recueillir les informations nécessaires. Nous nous sommes également penchés sur les sites internet des organismes dédiés à l’encouragement et la mise en place de projets d’écologie industrielle. Enfin, nous avons eu la chance de pouvoir interroger non pas des acteurs locaux, mais des chercheurs qui ont fait de ce sujet l’un de leur domaine d’expertise. Malheureusement, nous avons rencontré des difficultés pour recueillir des témoignages de la part des entrepreneurs, qui ne répondaient pas ou négativement à nos demandes par mail.

 

 

  • Une étude qualitative fondée sur des entretiens 

 

Pour répondre aux questions que nous avons formulées suite à la revue de littérature et mesurer les différentes variables que nous avons définies, la méthode la plus cohérente est l’entretien. En effet, nous ne pouvions pas diffuser des questionnaires (que ce soit dans la rue ou sur les réseaux sociaux), car nos questions ne s’adressent pas aux consommateurs, mais à des spécialistes du domaine qui nous intéresse. Ces questions demeurent en effet assez techniques et s’intéressent à des variables observables dans le monde professionnel (particulièrement industriel), et non pas au comportement des consommateurs. Toutefois, nous avons élaboré un guide d’entretien, nous permettant d’orienter ceux-ci vers les thèmes qui nous intéressaient particulièrement afin de répondre à nos interrogations. Voici ce guide d’entretien, qui se décline sous la forme d’une liste qui recense les points que nous devions aborder au cours des entretiens :

 

 

  • Le secteur d’activité : quels sont les secteurs d’activité, ou les cœurs de métier, des entreprises impliquées dans le projet d’écologie industrielle et territoriale ? Cela nous permet, dans un premier temps, de mieux comprendre l’écosystème auquel nous avons à faire, mais également de savoir si les démarches d’écologies industrielles concernent des secteurs d’activités particuliers ou non. 
  • Concrètement, quelles synergies d’écologie industrielle ont été mises en place ? Cette question permet également de mieux comprendre l’écosystème.
  • Le nombre de parties prenantes : combien d’entreprises et autres acteurs sont impliqués dans le projet d’écologie industrielle et territoriale ? Cette question nous permet de déterminer si la réussite ou l’échec d’une démarche d’écologie industrielle peut dépendre du nombre d’entreprises et acteurs concernés.
  • Les motivations d’une démarche d’écologie industrielle : par quoi les entreprises ont-elles été poussées à s’investir dans de tels projets ? Cette question vise à déterminer les principaux facteurs de motivation, particulièrement de la part des entrepreneurs (et non des acteurs publiques et/ou locaux), qui les incitent à s’engager dans l’écologie industrielle.
  • Les relations entre les entreprises : concrètement, comment s’organisent les échanges entre les entreprises ? Les relations sont-elles compliquées ? Comment se sont-elles nouées ? Cette question, assez large, permet dans un premier temps de savoir s’il peut y avoir des conflits entre les différentes parties prenantes.
  • Si, à la question précédente, l’interlocuteur répond qu’il existe des conflits : pourquoi de tels conflits existent ? Quelles en sont les causes, et comment les gérer ? Cette question vise à mettre en évidence ce qui peut être des freins à l’aboutissement d’une démarche d’écologie industrielle.
  • Au contraire, si les relations se font sans conflits : quel type de relation s’est instauré entre les acteurs ? Sont-elles encadrées par des contrats formels, ou par des clauses moins formelles ?
  • Le climat avant le lancement du projet d’écologie industrielle : y avait-il déjà des relations fortes entre les entreprises d’un espace, avant que le projet soit lancé ? Ou au contraire, les entreprises étaient-elles isolées les unes des autres, sans communiquer ? Cette question nous permet de savoir si les démarches d’écologie industrielle doivent s’implanter sur un tissu d’entreprises déjà relativement proches ou non.
  • A quelles difficultés ont été confrontés les acteurs lors de la mise en place de tels projets ?
  • La présence d’un médiateur, indépendant des entreprises, est-elle (ou a-t-elle été) indispensable pour mener à bien le projet ? Cette question a pour objectif de déterminer si une démarche d’écologie industrielle peut se réaliser dans une logique purement marchande et entrepreneuriale, ou si elle doit également répondre à des objectifs d’intérêts publics dont des acteurs publics et/ou locaux sont les garants.
  • Les entreprises sont-elles accompagnées et formées dans la mise en place de ces projets ?
  • Les entreprises se sont-elles senties obligées ou forcées à suivre de tel projet ? Cette question, que l’on aurait aimé poser directement aux entreprises (qui n’ont pas répondu à nos sollicitations), a pour objectif de déterminer si les décisions doivent nécessairement répondre à une certaine logique coercitive qui s’impose aux différents acteurs.
  • Les chefs d’entreprises suivant de tels projets font-ils preuve de conviction environnementale et/ou sociale ? Cette question prétend déterminer si un entrepreneur doit nécessairement partager des valeurs environnementales pour s’engager dans une telle démarche, ou si au contraire n’importe quel entrepreneur peut trouver des intérêts indépendamment de cette conviction propre.
  • Sur quels critères se base-t-on pour dire qu’une démarche d’écologie industrielle est une réussite ? Principalement sur des critères économiques, ou principalement sur des critères environnementaux ?
  • Les entreprises participant à la mise en place de synergies d’écologie industrielle ont-elles des tailles similaires ? Cette question vise à savoir si le fait que les entreprises aient la même taille permet de favoriser les relations entre elles et la mise en place de différentes synergies.
  • Quel est le type d’entreprise participant à la démarche d’écologie industrielle : filiales, TPE, PME… ? Cette question vise à répondre à vérifier une de nos hypothèses, celle que les entreprises appartenant à de grands groupes gérées par des actionnaires ne sont pas adéquates pour s’inscrire dans un projet d’écologie industrielle.
  • Où se situe le centre de décision de l’entreprise qui s’inscrit dans une démarche d’écologie industrielle ? Cette question vise également à vérifier une hypothèse, celle selon laquelle le centre de décision doit être proche de l’unité de production pour que la mise en place de synergies soit plus facile.

 

 

La Revue de littérature

En vue des enjeux environnementaux auxquels les sociétés et les entreprises sont désormais confrontées, il semble nécessaire et logique que des solutions émanent directement des entreprises. Le concept de l’écologie industrielle est l’une de ces solutions. C’est pour cette raison que l’intérêt porté pour l’écologie industrielle fut unanime entre les membres de notre groupe. Nous avons particulièrement été frappé par la réussite de la symbiose industrielle de Kalundborg, l’exemple classique mais qui n’en demeure pas moins fascinant et toujours relativement exceptionnel à l’heure actuelle. Une première vidéo explicative est proposée sur ce forum mais, pour ceux qui souhaiteraient encore plus de détail sur le modèle de développement de Kalundborg, cette vidéo de 10min répondre à de nombreuses autres questions:

https://www.dailymotion.com/video/xlvhip_kalundborg-symbiose-industrielle-au-danemark_webcam

Kalundborg, c’est donc entre autres 20 000 tonnes de pétrole économisées chaque année,75 000 tonnes de dioxyde de carbone en moins dans l’atmosphère, et plus de 200 millions d’euros économisés depuis la mise en place des premières synergies interentreprises… Et tout cela avec des entreprises très dynamiques, faisant partie des leaders mondiaux dans leurs secteurs! La première question concertée qui a surgi dans notre groupe est donc la suivante: en vue de la réussite industrielle, économique, écologique et même sociale de Kalundborg, pourquoi ce concept ne se développe-t-il pas dans les pays développés?

Nous avons donc été séduits par l’étude des freins et des leviers relatifs au développement de l’écologie industrielle et territoriale. Néanmoins, dès nos premières lectures théoriques sur le sujet, nous avons compris que nous ne pourrions pas prétendre à étudier ce concept dans sa globalité et à grande échelle. Non pas seulement par manque de temps, mais également de par la nature-même de l’écologie industrielle et territoriale. En effet, l’écologie industrielle est, pour reprendre les termes de Sabrina Brullot, « une réponse locale à des problèmes locaux ». Cette formulation est par ailleurs intéressante car, bien que la mise en place de synergies d’écologie industrielle dépende intégralement du lieu dans lequel elles s’implantent (d’où le fait que l’on parle d’une réponse locale à un problème local), elle répond tout de même à d’autres enjeux bien plus globaux liés à l’environnement. thNous avons donc compris que notre étude serait d’autant plus cohérente et aboutie qu’elle s’intéresserait à un territoire en particulier, et ne vêtirait pas une approche systémique du concept d’écologie industrielle. En poursuivant nos lectures théoriques (dont une liste exhaustive est assurée par la présence d’une bibliographie sur ce même blog), nous avons tiré un deuxième constat fort qui a guidé notre travail. Certes, les questions techniques et scientifiques sont importantes dans le concept d’écologie industrielle car, en témoignent les vidéos, les symbioses industrielles nécessitent la plupart du temps des avancées technologiques relativement poussées, nécessitant la mise en œuvre de certaines compétences d’ingénierie. Toutefois, des questions propres aux sciences humaines semblent tout autant importantes, si ce n’est plus, dans la mise en place de synergies d’écologie industrielle. Parmi ces questions, on trouve notamment celles de la coopération entre les agents (entreprises privés, acteurs locaux, associations…), et de la gouvernance des projets. En comprenant l’importance de ces domaines, une multitude d’interrogations nous est alors parvenu: quelle type de relation s’établit entre des entreprises qui s’inscrivent dans une même symbiose industrielle? Les accords doivent-ils être encadré par des contrats formels? Les différents acteurs doivent-ils nécessairement faire preuve d’une certaine proximité (géographique, sociale, ou bien une proximité d’intérêts) pour participer à un même projet d’écologie industrielle? Haandtryk%20(2352951).jpg

Personnes interviewées

Voici la liste des personnes que nous avons pu contacter afin d’approfondir nos recherches.

Par mail :

Suren Erkman  : professeur à Genève, ayant rédigé , Vers une écologie industrielle. Comment mettre en pratique le développement durable dans une société hyper-industrielle (2000)

Par entretien téléphonique :
– Clémence Roldan : Chargée de projet pour l’écologie industrielle à l’AIRM – Association des Industriels de la Région de Mézieux – et ancienne chargée d’étude en écologie industrielle et territoriale chez Orée
Leia Abitbol : Aldérane, conseille les entreprises et zones d’activité dans le domaine de l’écologie industrielle
Fanny Schnur : Responsable qualité et développement durable, en charge des sites du Bourget et de Chambéry métropole
Florence Charnay : Chef de projet économie circulaire en région Rhônes-Alpes
Dimitri Coulon : responsable qualité et environnement du CNR et notamment coordinateur sur le site du Pouzin

Restitution des entretiens

Annexe 1 : Entretien avec Léa Abitbol

Est-il possible d’étendre l’écologie industrielle, tel que cela se fait à Kalundborg, à une grande échelle ? 

« C’est compliqué car les acteurs doivent se connaitre. Il y a un besoin de proximité entre eux! C’est pour cela que l’écologie industrielle se fait à petite échelle, car il y a la possibilité pour les acteurs de se rencontrer, de faire connaissance et d’échanger plus facilement. Par ailleurs, sur certains flux, il n’y a aucun sens à mettre en place des synergies sur une grande échelle, comme les cartons par exemple. Sur d’autres flux, on peut parcourir plus de kilomètres, par exemple dans des synergies en B to B, mais là, on est plus sur un parc écologique. C’est pour ça que ce ne serait vraiment pas évident de reproduire Kalundborg à plus grande échelle. Au Royaume-Uni, il y a bien un programme national, le programme NIELS, mais même lui, il se décline dans des sous-pôles régionaux. L’écologie industrielle et les synergies, c’est plus des relations entre des petites bulles qu’autre chose. »

Quid du client comme motivation/frein à ces questions d’écologie industrielle ? 

« Auprès des clients, il ne faut pas directement parler d’écologie industrielle, et encore moins de réutilisation des déchets. Il faut parler en termes d’opportunités économiques, et de compétitivité. Le fait de parler d’écologie industrielle peut faire peur, d’autant plus qu’il est rare que la production réponde entièrement à cette logique. Pour vendre cette approche, il faut vraiment s’exprimer dans un langage économique ! Cela peut se faire grâce aux études de faisabilité, dans lesquelles on pose la question du retour sur investissement. Finalement, on rentre dans des projets assez classiques pour les entreprises dès lors qu’on s’exprime avec les termes habituels.

[ … ]
(Perte d’une partie de l’entretien enregistré)

Annexe 2 : Réponses de Suren Erkman

Il n’existe pas de recette générale valable partout. La dynamique de projets d’EI varie beaucoup selon le contexte politique, culturel, institutionnel, etc.

Je formulerais tout de même un principe général de manière un peu théorique: il faut que quelqu’un (une personne, une organisation) prenne soin du «système», ie au-delà des intérêts d’une entreprise ou d’une entité particulière, mais à l’échelle collective, systémique.

En pratique, on observe trois grands modèles (et des variantes entre eux naturellement): bottom up, top down, et hybride.

Kalundborg est typiquement du bottom up: initiative des entreprises, pas de subventions, pas d’intervention de l’Etat

La Chine est typiquement du top down: les instructions viennent d’en haut, etc. La France est un peu dans une situation similaire, au sens où personne ne veut prendre l’initiative sans le soutien des pouvoirs publics.

La Suisse, l’Allemagne, etc. sont des bons exemples d’approches hybrides: un savant mélange des deux, les pouvoirs publics se limitent en général à créer des conditions cadres qui favorisent l’émergence et la réalisation de projets EI.

Cela dit, on constate quelques éléments réguliers:

  • la présence et l’implication d’un centre de recherche/innovation (pas forcément académique, peut être privé);
  • le rôle moteur joué souvent par des associations d’entreprises et/ou des gestionnaires de zones industrielles.

 

Annexe 3 : Entretien avec Fanny Schnur

Rencontrez-vous des difficultés pour communiquer avec les entreprises, en ce qui concerne les projets que vous portez?

« Non. Les sujets que nous traitons sont très pratico-pratiques (ce sont des problématiques très ciblées, répondant à des enjeux techniques et/ou technologiques prédéfinis et bien connus). Les entreprises avec lesquelles on travaille comprennent parfaitement l’objectif de notre démarche et savent où l’on veut aller. Par contre, parfois, elles ne comprennent pas que les démarches prennent autant de temps, elles trouvent que ça ne va pas assez vite et aimeraient que ce soit plus rapide. Oui voilà, elles ne comprennent juste pas que tout cela prend du temps ».

 

Lorsque vous lancez de nouveaux projets [d’aménagement du territoire répondant à une logique d’écologie industrielle], les entreprises participent-elles aux prises de décisions, sont-elles concertées? Si oui, de quelle manière?

« Les entreprises ont plusieurs façons de participer. Déjà, elles sont toutes dans le conseil de décisions. En plus, quand on lance quelque chose, il y a plein de phases de concertation avec les entreprises… et les consultations se font à tous les étages! Et aussi, il y a le comité de pilotage du projet, où les entreprises sont présentes. »

 

Diriez-vous que les entreprises participent à vos projets car elles sont un peu obligées, ou bien parce qu’elles ont un réel intérêt à le faire?

«  Franchement on peut rien imposer aux entreprises. Rien est imposé, tout est sur l’intérêt ».

 

De manière globale, quelle est le type d’entreprise présent sur le site de technolac?

« Houuula il y a absolument de tout. Il y a quand même un bon tissu de PME, mais aussi des plus grands groupes, des groupes mondiaux et des grands centres de recherche. Il y a Capgemini par exemple. Et il y a aussi plusieurs grands centres de recherche ».

 

Quel(s) projet(s) de synergie d’écologie industrielle est/sont soutenu(s) sur les sites de Technolac et/ou Chambéry Métropole?

« Là, on bosse sur un système de récupération d’énergie fatale. Une énergie fatale, c’est une énergie qui est produite dans tous les cas, quoi qu’il arrive, au cours du processus de production. Un incinérateur par exemple produit de la chaleur. Le truc c’est que Chambéry -la ville de Chambéry- rejette des effluents ménagers dans les eaux qui sont encore chauds ou tièdes, et on peut les récupérer pour alimenter des pompes à chaleur, qui chaufferaient tout le site de Savoie Technolac. C’est une entreprise qui porte le projet, elle a investis 6.5 millions d’euros et ça devrait se concrétiser en 2016. En parallèle, des entreprises avec des Data centers important envisagent aussi de se greffer au projet pour utiliser la chaleur dégagée par les data centers ».

 

Donc c’est tout de même plus rapide lorsque les projets sont portés par des partenaires privés?

« Oui clairement, ils sont beaucoup plus rapides à mettre en place des projets. »

 

 

Pensez-vous qu’un acteur public, pour coordonner, chapoter le tout est tout de même nécessaire?

« Oui carrément, c’est indispensable. Les entreprises ne dialoguent pas entre elles! Il faut absolument un porteur… enfin certaines choses se mènent naturellement, mais c’est très rare. Il faut bien se rendre compte que parfois, des constructeurs doivent complètement changer leur modèle de construction pour de tels projets… enfin pas complètement, mais en grande partie. Donc des fois il y a des divergences d’intérêts de ce type, qui n’incite pas du tout les entreprises à dialoguer sans un coordinateur ».

 

Comment se nouent les relations entre des entreprises dans uen synergie? Le contrat est-il obligatoire?

« Ca dépend des structures dans le cas de l’énergie. Mais ça peut se faire de façon moins formelle qu’avec un contrat. Je sais que dès qu’il s’agit d’un process critique (fourniture de matière première indispensable, etc..), il est beaucoup plus difficile de faire adhérer les entreprises »

 

Oui, je comprends, il est vrai qu’une entreprise a besoin de sécuriser ses achats, d’être sûre qu’elle sera tout le temps fournie. Donc elle peut parfois être réticente à susciter une forme de dépendance vis-à-vis d’une autre entreprise dans le cadre d’une synergie industrielle.

« Oui non mais je pense que c’est vraiment psychologique aussi. C’est un frein psychologique. Pourquoi une entreprise préfère dépendre d’un fournisseur qu’elle ne connaît même pas, qui est peut-être à l’étranger, qu’elle n’a jamais vu physiquement, plutôt que de se fier à une entreprise beaucoup plus proche? Et elle se demande si l’entreprise avec laquelle elle créé une synergie ne va pas flancher, elle a raison!… Mais au fond, elle ne va même pas envisager que la centrale qui lui fournit de l’électricité peut très bien lâcher elle aussi! Elle ne se pose même pas la question… Non vraiment, c’est un frein psychologique. »

 

Et à quoi est lié ce frein psychologique selon vous?…

« Pour moi, c’est de la réticence face au changement. Au fond, une entreprise s’inscrit dans des schémas très classiques, regardez c’est presque sociologique: pour elles c’est parfaitement logique qu’elles doivent se fournir par exemple en électricité auprès des fournisseurs classiques, la plupart du temps elles n’envisagent même pas d’autres solutions. Ce n’est même pas de la réticence face au changement, c’est de la non connaissance du changement possible »

 

Diriez-vous que les entreprises se mêlant à vos projets ont une conviction environnementale?

« Cela ne concerne vraiment pas la majorité, mais certaines oui. Comme je l’ai déjà dit, les entreprises acceptent surtout ces projets quand elles y trouvent un intérêt ».

 

D’après ce que j’ai cru comprendre, une zone d’écologie industrielle ne peut pas se planifier dans son intégralité à l’avance? On ne peut pas rédiger un plan d’aménagement du territoire de A à Z afin de créer des synergies entre les entreprises?

« Dison que souvent, à partir d’un petit noyau d’entreprises, on agrège plein de compétences supplémentaires. Ce sont d’autres process qui se greffent, et on ne peut rien imposer. Il n’y a pas de rigidité dans ce type de plan d’aménagement. Généralement, un plan se réfléchit sur 20 à 30 ans! Mais les innovations sont beaucoup plus rapides! Donc même si l’aménagement se prévoit à long terme, il faut être capable de se ménager des « portes de sorties », ne pas tout prévoir à l’avance, pour être capable d’intégrer de nouvelles technologies qui apparaîtraient bien après la constitution du plan. C’est un peu compliqué, mais il faut lancer des choses structurantes, qui permettent tout de même le changement. »

 

 

Enfin êtes-vous optimiste concernant le développement des DEI en Rhône Alpes?

« Ce sera long, très long. Et comme je l’ai déjà dit, il faudra intégrer et accepter le changement. Surtout l’accepter. Et le changement, finalement, c’est-ce que les gens veulent bien accepter. »

 

 

Annexe 4 : Entretien avec Dimitri Coulon

Pouvez-vous décrire brièvement votre entreprise et son activité sur le site du Pouzin ?

 

Oui, bien sûr, le CNR est une entreprise particulière anonyme d’intérêt général, ce qui est unique en France. Elle oeuvre sur 3 activités principalement : la production d’énergie hydroélectrique avec 18 barrages en France, une activité pour développer le transport fluvial (aménagement de sites portuaires), l’aménagement d’infrastructures pour le milieu agricole (irrigation). Le CNR, c’est à peu près 1400 employés. 

 

Avant de décrire l’activité du Pouzin, il faut revenir sur le milieu dans lequel on se situe. La ville se situe dans une agglomération peu dense, avec peu d’activité industrielle, c’est une petite ville. Les collectivités territoriales voulaient accroitre leur attractivité. Le projet devenu assez partenarial dès 2006 pour penser le développement économique à travers la création du port. Pendant qu’on finalisait l’aménagement du port, nous avons commencé à nous intéresser à l’écologie avec la mise en place d’éoliennes dans la partie sud.

 

Alors pourquoi avoir décidé d’appliquer les principes de l’écologie industrielle ?

 

Il y avait des contraintes très fortes, il s’agissait d’une zone (la zone nord) encore vierge pouvant accueillir une activité sur 9 hectares. S’est alors posée la question de savoir comment commercialiser un site nouveau, en tenant compte de ce qui entoure ce site : une zone d’activité vieillissante mal intégrée aux principes environnementaux, des activités artisanales. L’écologie industrielle était donc l’une de vos seules possibilités pour ce site ? Oui c’est ça. L’écologie industrielle était un moyen d’accroître l’attractivité économique du site, et répondait à une volonté du maire du Pouzin de développer l’activité économique.

 

Pourquoi ces entreprises ont mis en place cette synergie industrielle ? Quels ont été les facteurs qui ont motivé ce projet ?

 

Le principal facteur a sûrement été le portage politique, une volonté de développer un port industriel au Pouzin. Si le maire n’avait pas porté ce projet, le CNR aurait pu baisser les bras car ce n’était pas dans leurs priorités, et parce qu’il a des coûts. Il faut une volonté des acteurs économiques mais également un grand appui des collectivités territoriales ? Oui c’est exactement ça. Il faut également voir la capacité à maintenir ce levier dans la durée, rendu difficile par les alternances politiques. Il faut également voir le portage des entreprises elles-mêmes, qui à travers une fédération d’entreprises peuvent porter le projet en parallèle et donc représenter un puissant levier. Nous avons aussi besoin d’argent pour mettre en œuvre ces projets innovants, notamment pour financer la Recherche action & développement. Le rôle des collectivités régionales et territoriales est très important, de même pour le FEDER. La région Rhône-Alpes est d’ailleurs très en avance dans les dispositifs d’accompagnement. Le projet s’inscrit dans le développement de l’aménagement territorial, c’est un levier de cet aménagement. Le projet a couté à peu près 4M d’euros, COMETHE a apporté 50 000 euros, le fonds européens (FEDER) et les fonds régionaux aussi, le CNR environ la moitié du budget, et les collectivités locales, les intercommunalités, les entreprises, contractualisées avant même que le projet soit lancé, il fallait que 2/3 entreprises soient d’accord pour que le projet débute.

 

Quels sont alors les éventuels freins qui pourraient entraver le projet que vous portez, et plus généralement les freins à l’écologie industrielle ?

 

Dans la lignée de ce qui a été dit précédemment, il faut considérer les alternances politiques : comment assurer un projet sur le long-terme avec les alternances politiques ? Il n’y a pas de dispositif actuellement. Aussi, tant qu’on a pas d’obligation à mettre en place des schémas de principe d’écologie industrielle, ça n’avance pas vite. Ça n’est que parce que la réglementation est contraignante que ce type d’initiative est mis en place mais il faut quand même obliger les entreprises à instaurer dans leur business modèle des mesures pérennes dans leur fonctionnement. La réglementation seule n’est pas suffisante, il y a aussi des volets incitatifs économiques : économie de gestion, gestion des risques, etc.

Bibliographie

Voici la liste des œuvres qui ont appuyé la première partie de nos recherches, notamment toute notre revue de littérature préalable aux entretiens menés par le groupe.
Leur lecture vous permettra de compléter les apports de notre blog sur le thème de l’écologie industrielle.
Oeuvres
– BOONS F. et BAAS F. (1997). Industrial Ecology: The Problem of Coordination.
– BRAUNGART M., MCDONOUGH W. (2011). Craddle to cradle. Créer et recycler à l’infini.
Editions Alternatives.
– Brullot S., Maillefert M. (2010). « Écologie industrielle et développement durable » in
Développement durable et territoire ; B. Zuindeau. Presses universitaires du Septentrion.
– ERKMAN Suren (2004). Vers une écologie industrielle. Éditions Mayer Charles Leopold.
– GRANOVETTER M (2005). The impact of social structure on Economic Outcomes. Journal of
Economic Perspectives
– JUNQUA Guillaume, BRULLOT Sabrina (2012). Colloque interdisciplinaire sur l’écologie
industrielle et territoriale. Développement durable. Presse des Mines – Transvalor.
– MIRATA M (2007). Industrial Symbiosis – a tool for more sustainable regions?
– WILLIAMSON O. (1975). Market & Hierarchies. Analysis and Antitrust Implications. Free Press,
New York.
– WILLIAMSON O. (1985). The Economic Institutions of Capitalism. Free Press, Ney Work.
Rapport d’Etat : Écologie industrielle et territoriale : le guide pour agir dans les territoires
– MENARD C (2012). Hybrid Modes of Organization. Alliances, Joint Ventures, Networks, and Other ’Strange’ Animals. The Handbook of Organizational Economics. Princeton University Press
Articles
– BROUSSEAU E. et GLACHANT J.M. (2000). Introduction: Économie des contrats et
renouvellement de l’analyse économique. Revue d’économie industrielle. Volume 92, pages 23-50.
– TIBBS Hardin (1990). Industrial Ecology : An Environmental Agenda for Industry, Global
Business Network (GBN).
Sithographie
– DIEMER A., LABRUNE S. (2007). L’écologie industrielle : quand l’écosystème industriel devient
un vecteur du développement durable. Développement durable et territoires. Développement durable et territoires. Available on : http://developpementdurable.revues.org/4121
– Ellen MacArthur Foundation : http://www.ellenmacarthurfoundation.org/fr/case_studies/lasymbiose-industrielle-de-kalundborg
– RÉGION RHÔNE ALPES : http://www.rhonealpes.fr/1-region-rhone-alpes.htm
– SCHALCHLI P. (coord ,2011). Rapport Comethe. Rapport pour l’ANR. Available on :
http://comethe.org/

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